Monsieur Oral, un ennemi ?
Je sais pourquoi j’écris. Parce que la discussion, l’expression orale va trop vite pour moi. Je parle souvent, je parle trop. Mes propos sont très spontanés, peu réfléchis et les dégâts provoqués par eux tôt ou tard, peuvent être considérables. À l'oral, pas de touche "effacer", pas de touche "retour", pas de correcteur, pas de recul. Le roman de ma vie est bordélique, parfois contradictoire, souvent mal rangé. Et pourtant, que j'ai à cœur d'être ordonné, organisé. Mais finalement, tout ce contrôle que j'essaie d'exercer sur ma vie, il se perd en paroles qui s'envolent. Mes paroles orales sont comme des fruits pas mûrs qu'on déguste et qui laissent un goût très amer dans le palais. Souvent, lorsque l'acidité est trop forte, on les recrache ces fruits.
C’est incroyable cette sensation que j'ai de gagner en pertinence à l’écrit. Ce n'est pas de la vantardise ou une espèce de glorification personnelle. Ne voyez rien de présomptueux dans mon propos. C'est juste une analyse personnelle que je veux partager. Messieurs les Mots, quand je les écris, il me sautent à la figure, j’arrive à les modeler, à les ressentir, à faire d’eux mes potes. À l'écrit, j’arrive à raisonner comme je veux car, aussi vite que mes doigts galopent, ils ne seront jamais aussi rapides que ma bouche et mes cordes vocales. L'écriture pour moi, c'est un langage qui passe par les mains, qui n'exige pas la même instantanéité que la parole orale. Sur mon clavier, j’ai le temps de formuler ma pensée la plus sincère. Je parviens à aller au bout de mes raisonnements, à les comprendre.
Monsieur Oral
est traitre. Je me perds souvent en route, j’énonce souvent des idées qui
peuvent être mal perçues par mon interlocuteur, je donne des contre-vérités car
j’argumente mal ou perds la moitié de mes idées en route. L’écriture m’évite ces
écueils.
Voilà, une raison supplémentaire de continuer l'écriture, une raison supplémentaire de se taire en direct, de s'exprimer en différé.
Messieurs les mots, madame Écriture, mademoiselle Idée et Dame lecture craignent monsieur Oral, moi aussi...